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Le Monde 13-4-2009
LE MONDE | 13.04.09 | 13h26
Depuis un mois, le Palazzo Chigi,
siège de la présidence du conseil, rectifie toutes les informations qu'il croit
offensantes pour l'Italie et les Italiens dans les journaux étrangers. Le Times,
qui avait ironisé sur les propos de Silvio
Berlusconi conseillant aux réfugiés du tremblement de terre de
L'Aquila (Abruzzes) de "passer le week-end de Pâques à la mer", s'est
vu immédiatement recadré par un communiqué officiel, mercredi 8 avril : "Si l'envoyé spécial britannique
avait été sur place, il aurait pu vérifier la réaction positive des réfugiés
aux paroles de réconfort (...), dites sur un ton plaisant, pour convaincre les
familles de laisser les tentes pour se rendre dans un des hôtels de la côte qui
sont mis à leur disposition."
Un autre quotidien britannique, The Guardian, a lui aussi eu droit à des remontrances officielles pour avoir écrit que la fusion entre les partis Alliance nationale et Forza Italia allait donner naissance à une formation "postfasciste". Le quotidien espagnol El Pais et l'hebdomadaire allemand Der Spiegel ont reçu une lettre de reproches des ambassadeurs d'Italie en Espagne et en Allemagne. Le premier pour avoir écrit que M. Berlusconi était un des leaders "les plus sinistres", le second pour avoir affiché à sa "une" un titre jugé méprisant pour l'Italie : "La Botte puante".
Susceptible, Silvio Berlusconi ? Oui, mais pas plus que les Italiens, qui refusent de se reconnaître dans le miroir que leur tend la presse étrangère. Pourtant, ils ne sont pas avares de critiques pour eux-mêmes. Ils ont même inventé un mot pour cela, l'autolesionismo (l'automutilation), pour évoquer leur penchant à se voir comme les derniers de la classe, les mal-aimés de l'Europe. Mais que quelqu'un d'autre le fasse à leur place, et aussitôt les mêmes qui se décrivaient comme "habitants d'un pays où rien ne marche" enfourchent le cheval de l'orgueil national. L'attitude pleine de dignité offensée de Silvio Berlusconi refusant l'aide internationale après le drame de L'Aquila en est une illustration.
Cette question de l'identité de l'Italie telle qu'elle est perçue à l'étranger a même fait l'objet d'une intervention lors d'un séminaire destiné aux ambassadeurs au mois de mars. Invités par la Farnesina (le ministère des affaires étrangères italien), le correspondant du Wall Street Journal et celui du Monde ont été priés d'expliquer comment ils voyaient l'Italie et de quelle manière ils en rendaient compte. Les deux journalistes sont tombés d'accord pour dire, en termes aussi diplomatiques que ceux employés par l'auditoire, que quatre obstacles au moins les empêchaient de faire l'éloge quotidien de la Péninsule : la Mafia (et ses déclinaisons locales), l'inefficacité de l'administration et de l'Etat en général, la politique xénophobe prônée - et parfois conduite - par la Ligue du Nord, et les mauvaises blagues de Silvio Berlusconi.
"Nous serons toujours les Italiens d'autrefois, s'est lamenté il y a quelques jours le quotidien Il Giornale (propriété du frère de Silvio Berlusconi) après la parution d'articles dans la presse étrangère concernant les violences envers des étrangers. Les victimes des préjugés. Le pays de la pizza et de la mandoline est devenu le pays des racistes."
L'institut Ipsos a présenté à Sienne (Toscane), en décembre 2008, lors d'un colloque organisé par la fondation Intercultura, un sondage qualitatif portant sur la perception de la Péninsule par une dizaine de titres étrangers, dont Le Monde, réalisé entre les mois de juin et de septembre 2008. Selon cette étude, seuls les sujets traitant de culture et de patrimoine conduisent à des éloges. Pour le reste, l'évocation de la "dolce vita" provoque l'"ironie". La crise financière et économique conduit à des jugements "souvent négatifs" ; l'action du gouvernement est expertisée avec "une approche critique et sévère". Les plus indulgentes ? Les presses russe et indienne. Les plus critiques : les journaux français et argentins. En conclusion, Ipsos expliquait : "Comment réussir à faire parler des choses belles et positives ? Tel est le défi pour le futur des Italiens et de l'Italie."
Pour la presse, qui préfère les trains qui arrivent en retard à ceux qui arrivent à l'heure, l'Italie est un paradis. Les journaux de la Péninsule, qui sont aussi une des sources d'information des correspondants étrangers, regorgent d'histoires de malversation, d'incurie, de corruption, de crimes mafieux. Silvio Berlusconi, qui possède plus de 80 % de l'audiovisuel italien en tant que président de Mediaset et du conseil, tient également les journaux à l'oeil. Il leur reproche de ne pas voir l'Italie en rose et se plaint d'être maltraité, mal aimé, mal jugé : "Je suis tenté par des mesures dures" vis-à-vis de la presse, a-t-il récemment déclaré.
Le tremblement de terre de L'Aquila va-t-il lui venir en aide ? Les quotidiens italiens commencent à louer l'énergie qu'il a déployée pour rassurer les victimes et superviser l'organisation sans faille des sauvetages. Même El Pais lui a consacré un éditorial louangeur. La nouvelle a bien sûr été communiquée. Pour qu'elle nous inspire ?